EXCLUSIF :
Adrian Carton de Wiart, le “Soldat Immortel” né à Bruxelles qui défia la mort pendant 60 ans
Par Kadir Duran – Bruxelles Korner
Il a survécu à 11 blessures graves, perdu un œil et une main, échappé à la mort des dizaines de fois et traversé trois conflits majeurs. Portrait d’un Belge devenu légende vivante de l’armée britannique.
Mission diplomatique alliée en Pologne, Lviv, février 1919. Au premier rang de gauche à droite : Stanisław Wańkowicz, Robert Howard Lord, le général Joseph Barthélemy, le général Tadeusz Rozwadowski, le général Adrian Carton de Wiart et le major Giuseppe Stabile.
L’HOMME QUI NE POUVAIT PAS MOURIR
Dans les tranchées boueuses de la Somme, les soldats britanniques chuchotent son nom avec un mélange d’admiration et d’incrédulité. Adrian Carton de Wiart, ce Belge aux allures de pirate avec son cache-œil et sa main manquante, vient encore une fois de revenir du front, criblé de balles mais toujours debout.
“Comment fait-il ?” se demandent ses hommes. La réponse tient peut-être dans cette phrase qu’il prononcera des années plus tard : “Franchement, j’ai adoré la guerre.”
DE BRUXELLES À LA GLOIRE : L’ODYSSÉE D’UN ARISTOCRATE DEVENU GUERRIER
Né en 1880 dans les salons feutrés de l’aristocratie bruxelloise, rien ne destinait le jeune Adrian à devenir l’un des soldats les plus décorés de l’histoire militaire britannique. Pourtant, dès ses 19 ans, il tourne le dos à sa vie dorée pour s’engager dans l’armée de Sa Majesté.
Premier baptême du feu : le Somaliland britannique, où les rebelles locaux lui offrent ses premières cicatrices. Ce ne seront que les premières d’une collection macabre qui transformera son corps en carte géographique des conflits du XXe siècle.
TROIS GUERRES, ONZE BLESSURES, ZÉRO DÉFAITE
La Guerre des Boers : L’apprentissage de l’invincibilité
En Afrique du Sud, le jeune officier apprend que les balles peuvent le toucher, mais jamais l’abattre. Les médecins militaires commencent à s’habituer à ce patient récurrent qui revient toujours plus abîmé, mais toujours vivant.
14-18 : L’enfer des tranchées ne suffit pas
La Grande Guerre révèle toute l’ampleur du phénomène Carton de Wiart. Blessé huit fois, il perd son œil gauche lors de la bataille de la Somme et sa main gauche qu’il s’ampute lui-même avec ses dents après qu’un médecin ait refusé de le faire. Entre chaque hospitalisation, il supplie qu’on le renvoie au front.
“Il revenait toujours”, témoignera plus tard un de ses subordonnés. “On avait l’impression qu’il était immortel.”
L’entre-deux-guerres : Mission impossible en Pologne
Pendant que l’Europe panse ses plaies, Carton de Wiart est envoyé en Pologne pour organiser la résistance contre l’Armée rouge bolchevique. Encore des balles, encore du sang, encore une survie miraculeuse.
39-45 : À 60 ans, il remet ça !
Quand éclate la Seconde Guerre mondiale, l’âge de la retraite est largement dépassé. Qu’à cela ne tienne : Churchill en personne l’envoie en mission en Norvège, puis en Yougoslavie, et enfin en Chine. À chaque fois, c’est le même miracle : il revient.
L’ANECDOTE QUI GLACE LE SANG
L’histoire la plus saisissante de sa légende se déroule dans un hôpital de campagne. Gravement blessé une fois de plus, Adrian voit arriver un aumônier militaire qui tente de le rassurer :
— “Ne vous inquiétez pas, mon fils. J’ai vu pire il y a quelques semaines.”
Intrigué malgré sa douleur, Carton de Wiart demande :
— “Ah bon ? Et qui était-ce ?”
Le prêtre répond avec gravité :
— “Un certain Adrian… Un officier exceptionnel qui a survécu à des blessures épouvantables.”
Le silence qui suit est électrisant. L’homme “pire que pire” qu’avait soigné le prêtre… c’était lui-même, quelques semaines plus tôt, lors d’une précédente visite aux portes de la mort.
“MAJESTÉ, JE SUIS BELGE” : LA RÉVÉLATION QUI STUPÉFIE UN ROI
La scène se déroule à Buckingham Palace. Le roi d’Angleterre s’apprête à décorer celui qu’il croit être l’un de ses plus brillants officiers britanniques. Mais quand Adrian Carton de Wiart se présente devant lui, c’est pour lâcher cette bombe :
“Majesté, je suis Belge.”
Le souverain reste bouche bée. Comment ce héros de l’Empire, décoré de la prestigieuse Victoria Cross, peut-il être… étranger ? Cette révélation ajoute encore à sa légende et pose une question troublante : qu’est-ce qui pousse un homme à risquer sa vie pour un pays qui n’est pas le sien ?
LE MYSTÈRE DE L’HOMME INDESTRUCTIBLE
Onze blessures graves. Un œil perdu. Une main arrachée. Des éclats d’obus dans tout le corps. Plusieurs fois prisonnier, toujours évadé. Comment un seul homme peut-il défier les statistiques de la guerre avec une telle constance ?
Les médecins militaires de l’époque n’ont jamais trouvé d’explication médicale. Ses hommes parlent de “miracle” ou de “malédiction”. Lui-même, avec son humour britannique teinté d’ironie belge, préfère parler de “chance du débutant… qui dure”.
Adrian Carton de Wiart peint par William Orpen, National Portrait Gallery
UNE FIN PAISIBLE APRÈS UNE VIE DE FEU
Ironie du sort : l’homme qui avait survécu à tous les champs de bataille du monde meurt paisiblement dans son lit en Irlande, en 1963, à l’âge de 83 ans. Aucune balle ne l’aura eu.
Dans ses mémoires, “Happy Odyssey” (Heureuse Odyssée), il livre cette confidence troublante qui résume peut-être le secret de sa longévité : “J’ai adoré la guerre. Elle était pour moi une aventure permanente.”
LE BELGE QUI CHANGEA L’HISTOIRE MILITAIRE
Aujourd’hui encore, dans les académies militaires du monde entier, on étudie le “phénomène Carton de Wiart”. Comment un aristocrate bruxellois est-il devenu l’incarnation même du courage militaire ?
Sa vie défie toutes les lois de la probabilité et pose des questions vertigineuses sur les limites humaines. Adrian Carton de Wiart n’était pas seulement un soldat exceptionnel : il était la preuve vivante que certains hommes semblent véritablement immortels.
Cette enquête fascinante sur l’une des figures les plus extraordinaires du XXe siècle nous rappelle que la réalité dépasse parfois toutes les fictions. Adrian Carton de Wiart n’était pas un personnage de roman : il était un Belge qui a marqué l’Histoire à coups de bravoure et de miracles.
Sources : Archives militaires britanniques, Mémoires “Happy Odyssey” d’Adrian Carton de Wiart, témoignages d’époque.
Distinctions
Croix de Victoria,
Chevalier de l'Ordre de l'Empire britannique,
Chevalier compagnon de l'ordre du Bain,
Compagnon de l'Ordre de Saint-Michel et Saint-Georges,
Ordre du Service distingué,
Ordre militaire de Virtuti Militari,
Croix de guerre 1914-1918 (Belgique)
Une découverte personnelle
J’ai découvert le récit d’Adrian « l’immortel » grâce à Nota Bene, une chaîne que j’adore suivre pour l’excellent travail réalisé sur le détail profond de l’Histoire et la narration passionnante de son créateur. Je conseille vivement à tous les amateurs d’histoire de s’y plonger : le récit d’Adrian m’a littéralement fasciné.
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