OPINION
Carrefour Belgique dans la tourmente : quand l’économie traditionnelle ne suffit plus à payer les charges fixes
Par Kadir Duran – Bruxelles Korner

Pendant longtemps, Carrefour a été l’archétype du géant inoxydable : des hypermarchés tentaculaires, des milliers d’emplois, une présence massive dans le paysage commercial belge.
Aujourd’hui, ce modèle est fragilisé. Très fragilisé.
Plusieurs signaux convergent : faible rentabilité, pression syndicale, marché saturé, hausse générale des coûts, et surtout une économie traditionnelle qui n’arrive plus à couvrir ses propres charges fixes.
À tel point que même Carrefour troisième acteur du pays envisagerait désormais toutes les options, jusqu’à celle d’un désengagement progressif de la Belgique.
Comment en est-on arrivé là ?
Et la politique économique belge y est-elle pour quelque chose ?
Oui. Et plus qu’on ne le croit.
1. L’économie traditionnelle ne couvre plus ses coûts : l’équation devenue impossible
Le commerce physique repose sur une vérité simple :
les charges fixes doivent être couvertes par le volume de ventes.
Or, en Belgique, cette équation ne fonctionne plus.
Les grands magasins doivent faire face à :
Des salaires parmi les plus élevés d’Europe
Avec l’hyper Carrefour à 30 € de coût horaire, le modèle devient mécaniquement déficitaire si le chiffre d’affaires recule de seulement 3 à 5 %.
C’est ce qui se passe.
Des loyers commerciaux qui n’ont jamais baissé
Les surfaces gigantesques héritées des années 90 deviennent des boulets financiers.
Des coûts d’énergie et d’entretien explosés
Chauffer, éclairer, réfrigérer…
Le moindre pic du prix du gaz ou de l’électricité se traduit par des millions d’euros en plus sur la facture annuelle.
Une concurrence qui casse les prix
Aldi, Lidl, Action, Primark, sans oublier l’e-commerce, ont siphonné les marges.
Le modèle d’hypermarché ne permet plus de suivre.
Même en augmentant les ventes, les marges se sont effondrées.
Même avec du volume, la rentabilité ne revient pas.

2. Pourquoi Carrefour Belgique envisage… presque l’impensable
Carrefour Belgique :
est rentable sur l’EBITDA,
mais ne dégage pas de résultat net positif,
doit gérer des hypermarchés dont 50 % sont en perte,
est coincé entre syndicats, fiscalité et concurrence.
Pour un groupe coté, la question est devenue froide, mathématique :
“Pourquoi se battre autant dans un marché aussi petit et aussi cher ?”
D’où l’hypothèse d’une sortie progressive, même si l’enseigne jure du contraire.
3. Oui, la politique belge joue un rôle central
On peut aimer ou pas le dire, mais c’est un fait :
la Belgique est aujourd’hui l’un des pays où il est le plus difficile d’exploiter un grand magasin rentable.
Voici les raisons :
1. Le coût du travail : structurellement trop élevé
À chaque indexation automatique, la masse salariale bondit de 8, 10 ou 11 %.
Dans un secteur à marge < 2 %, cela détruit mécaniquement la rentabilité.
2. Les hausses de TVA, même minimes, fragilisent le modèle
Que ce soit l’énergie, l’horeca ou d’autres catégories, chaque +1 % ou +2 % entraîne :
baisse de consommation,
hausse de prix,
perte de volume,
perte de marge.
On sous-estime l’impact de micro-déplacements fiscaux dans un secteur ultra-sensible.

3. La taxation des plus-values sur actions : un signal catastrophique pour les investisseurs
Si la Belgique introduit une taxe sur :
les plus-values,
les dividendes,
ou les rachats d’actions…
les actionnaires étrangers qui financent ces groupes peuvent tout simplement dire :
“Retirez-vous de ce marché.”
Et dans le cas de Carrefour, cela pourrait accélérer certaines décisions.

4. La vraie question : la Belgique tue-t-elle son propre commerce ?
Carrefour n’est pas un cas isolé.
D’autres secteurs souffrent des mêmes mécanismes :
horeca
pharmacies
stations-service
commerce textile
librairies
petites surfaces indépendantes
L’économie belge repose sur un modèle très protecteur pour les travailleurs — ce qui est positif —
mais extrêmement lourd pour les entreprises qui fonctionnent avec des marges fines.
Le retail alimentaire est précisément le secteur où cette contradiction est la plus visible.
Pour Finir : si même Carrefour vacille, c’est tout un modèle qu’il faut repenser
Carrefour Belgique n’est pas au bord de la faillite.
Mais Carrefour Belgique envoie un message fort :
➡️ L’économie traditionnelle ne suffit plus à couvrir les charges fixes
➡️ Les grandes surfaces ne peuvent plus survivre avec un modèle des années 90
➡️ La fiscalité belge pèse lourd, trop lourd
➡️ Les actionnaires internationaux n’attendront pas éternellement
Carrefour devient aujourd’hui un symbole :
un test grandeur nature de la capacité de la Belgique à réformer un modèle économique devenu trop coûteux, trop rigide et trop lent.











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