Bruxelles Korner
Kadir Duran
Quoi de neuf cette semaine en OUZBÉKISTAN ( 13/05/2025 )
LA VOIX DE L’ASIE CENTRALE : L’HEURE DE L’ACTIVISME GÉOPOLITIQUE POUR L’OUZBÉKISTAN
Tachkent, Moscou, Bakou, New Delhi – À l’intersection des commémorations historiques, des convergences culturelles et des fractures diplomatiques, l’Ouzbékistan s’impose peu à peu comme une plaque tournante d’un nouveau monde turco-asiatique. Dans l’ombre de la crise chypriote nordique (KKTC), et face aux reconfigurations d’alliances à l’échelle eurasiatique, le pays multiplie les gestes, les visites et les initiatives. Plus qu’un pays enclavé, l’Ouzbékistan devient un carrefour stratégique.
UNE DIPLOMATIE TURCIQUE EN ÉVEIL : DE LA STRATÉGIE À LA VISION 2040
Le Secrétaire général de l’Organisation des États turciques (TDT), l’ambassadeur Kubanıçbek Ömüraliyev, s’est récemment entretenu à Tachkent avec le ministre ouzbek des Affaires étrangères Bahtiyor Saidov. Objectif : renforcer l’intégration turque dans les domaines politique, économique et culturel, selon les axes du plan stratégique 2022-2026 et de la Vision 2040 du monde turc.
Ce rapprochement s’est matérialisé par plus de 30 actions diplomatiques et économiques inscrites dans une feuille de route présidée par l’Ouzbékistan, qui assure actuellement la présidence tournante de la TDT. Dans le sillage du sommet de Samarcande, ces initiatives dessinent une ambition collective : bâtir un espace civilisationnel commun où les États turciques se concertent, commercent et coopèrent sur la scène mondiale.
IRAN – OZBÉKISTAN : UNE AMITIÉ QUI DÉFIE LES FRONTIÈRES
Dans un autre registre diplomatique, le nouveau président iranien, Masoud Pezeşkiyan, a tenu des propos hautement symboliques lors de sa rencontre avec le Premier ministre ouzbek Abdulla Aripov :
« L’Iran et l’Ouzbékistan sont comme deux parties d’un même corps. Les frontières ne peuvent nous séparer. »
Forts d’une histoire partagée, d’un substrat linguistique et culturel commun, les deux pays envisagent d’intensifier leur coopération dans tous les domaines, avec déjà des accords commerciaux positifs signés. L’Asie centrale réinvente ainsi ses passerelles entre monde persan, monde turc et islam civilisationnel.
UNE VISIBILITÉ ACCRUE SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE : MOSCOU, 9 MAI
À Moscou, lors des célébrations du 80e anniversaire de la victoire contre le nazisme, l’Ouzbékistan s’est fait remarquer par la présence de son président, Chavkat Mirziyoyev, aux côtés de figures de poids comme Vladimir Poutine, Xi Jinping ou Lula da Silva. Plus qu’une participation symbolique, cette présence signale un positionnement équilibré entre l’Est et l’Ouest, dans un monde en recomposition.
13 pays, dont l’Ouzbékistan, ont également participé militairement au défilé : la puissance douce d’un pays qui sait conjuguer traditions militaires et diplomatie moderne.
UNE TENSION VENANT DU SUD : L’INQUIÉTUDE DE L’INDE
Mais toute montée en puissance attire son lot de tensions. Après le soutien affiché de la Turquie, de l’Azerbaïdjan et de l’Ouzbékistan à la position pakistanaise suite à l’“Opération Sindoor” menée par l’Inde, plusieurs agences de voyage indiennes ont décidé de suspendre leurs offres vers ces pays. Cox & Kings, ainsi qu’EaseMyTrip et Travomint, évoquent une réaction de principe.
Ce boycott touristique, bien qu’économiquement modeste, révèle l’inconfort croissant de New Delhi face aux dynamiques turco-pakistano-centroasiatiques.
ENTRE PATRIMOINE ET IDENTITÉ : L’OUZBÉKISTAN CÉLÈBRE SES RACINES
Parallèlement à ces enjeux géopolitiques, l’Ouzbékistan continue de mettre en lumière son identité culturelle singulière. Le couple présidentiel a honoré la mémoire des combattants ouzbeks tombés lors de la Seconde Guerre mondiale à Bakou, symbolisant la solidarité turcique par-delà les frontières nationales.
Et sur le plan écologique et touristique, le pays met en avant ses trésors comme la cascade Qizilnavr dans la région de Surxondaryo ou encore la majestueuse Turkestan kum kedisi, chat des sables devenu symbole de résilience nationale.
CONCLUSION : L’ASCENSION D’UNE PUISSANCE MILIEU
L’Ouzbékistan ne se contente plus d’être un pont. Il devient un pôle. Entre la Russie et la Chine, entre l’Iran et la Turquie, entre Islamabad et Bakou, Tachkent trace sa propre voie. Dans le tumulte d’un monde multipolaire, l’État ouzbek incarne une Asie centrale décomplexée, stratège et enracinée.
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