Opinion
Schaerbeek liquide son patrimoine : bonne gestion ou braderie ?
Schaerbeek vend ses murs pour boucher ses trous. Mais à force de gérer la commune comme une entreprise, le MR risque d’appauvrir son patrimoine collectif.
Par Kadir Duran – Bruxelles Korner
La commune de Schaerbeek, engluée dans un déficit cumulé de plus de 20 millions d’euros et après plus de six mois de négociations pour former une majorité, a décidé de vendre une partie de son patrimoine immobilier. Première opération : deux maisons de rapport situées aux 40 et 42 rue Quinaux, à deux pas de la place Colignon.
Mis sur le marché pour 490.000 euros, ces immeubles délabrés nécessitent de lourdes rénovations. Leur cession, décidée en 2024 par l’ancien collège, doit apporter un peu d’air aux finances communales, qui affichaient encore un déficit de 8,5 millions d’euros l’an dernier.
Le pragmatisme de la majorité
La majorité actuelle (MR-Engagés, PS, Ecolo-Groen, DéFI) justifie ce choix par un raisonnement simple : ces bâtiments vétustes n’ont ni projet défini ni valeur d’usage immédiate. Autant transformer ces coquilles vides en liquidités pour alléger la pression budgétaire.
Mais à quel prix pour l’avenir ?
Derrière cette décision se cache un dilemme plus profond. Avec plus de 260 biens communaux allant des écoles aux crèches, en passant par les stades, bibliothèques et maisons historiques – Schaerbeek dispose d’un patrimoine considérable. Rationaliser, oui. Mais brader ce capital au gré des déficits ponctuels, n’est-ce pas hypothéquer l’avenir ?
L’exemple de la maison de repos Albert de Latour, promise à la fermeture fin 2025, illustre parfaitement ce questionnement. Vendre, ou réinventer ? Gérer, ou liquider ?
Une identité en jeu
Car au-delà des chiffres, c’est bien l’identité et la mémoire collective de Schaerbeek qui sont en jeu. À force de vendre « les bijoux de famille », la commune risque de transformer une richesse publique en simple respiration budgétaire. Et une fois ce patrimoine perdu, aucune politique financière, aussi rigoureuse soit-elle, ne pourra le reconstituer.
Schaerbeek : la commune doit-elle être gérée comme une entreprise ?
La mise en vente des deux immeubles de la rue Quinaux illustre parfaitement la ligne de fracture qui traverse Schaerbeek. Pour le MR, chef de file de la majorité, l’équation est simple : déficit cumulé, bâtiments vétustes, pas de projet → vendre. Une logique pragmatique, assumée, où la rentabilité immédiate prime sur tout le reste.
La logique MR : gestion d’entreprise
Le MR applique à la commune une grille de lecture entrepreneuriale :
• un actif doit produire un rendement ou un service identifiable,
• sinon il devient un passif, coûteux à entretenir, et doit être liquidé.
Dans ce schéma, la commune fonctionne comme une société immobilière qui gère un parc : ce qui ne rapporte pas ou n’entre pas dans une stratégie claire, on s’en défait.
Les autres sensibilités : l’usage avant tout
Mais une commune n’est pas une entreprise.
Pour le PS, la valeur d’un bien se mesure d’abord à son utilité sociale : écoles, logements, crèches, maisons de repos. Pour
Ecolo-Groen, il s’agit aussi de penser la durabilité et la réaffectation écologique du bâti.
DéFI, de son côté, oscille entre attachement au patrimoine et pragmatisme gestionnaire.
Deux modèles de gestion publique
• Vision MR : vendre pour alléger les finances, éviter que des bâtiments vides ne deviennent un gouffre.
• Vision sociale et écologique : conserver, transformer, réinventer l’usage pour servir les habitants et préserver un héritage collectif.
Le dilemme de Schaerbeek
Avec plus de 260 biens communaux, Schaerbeek est riche d’un patrimoine considérable. Mais ce capital est aussi un fardeau financier. Chaque vente apportera un peu d’air, mais rognera aussi un peu plus la mémoire et les ressources futures de la commune.
Car gérer une commune, ce n’est pas seulement équilibrer les comptes. C’est aussi préserver une identité et un bien commun. Et la question demeure : en choisissant la logique du court terme, Schaerbeek ne risque-t-elle pas de s’appauvrir durablement ?
"Nos aînés méritent mieux” : Sait Köse 
Yorum Yazın