Retirer des liquidités de sa société avant 2026 :
pourquoi le taux de 15 % est une fenêtre fiscale à ne pas rater
Par Kadir Duran
Tax Man Brussels – Bruxelles, décembre 2025

Depuis plusieurs semaines, une même question revient dans les cabinets comptables et fiscaux :
faut-il retirer des liquidités de sa société avant 2026 ?
La raison est simple.
Le gouvernement fédéral s’apprête à alourdir la fiscalité sur les dividendes des petites sociétés, en faisant passer certains régimes clés de 15 % à 18 %.
Une hausse en apparence limitée, mais qui modifie profondément l’arbitrage entre laisser les bénéfices en société ou les distribuer.
Une réforme fiscale imminente, aux effets rétroactifs
Deux mécanismes jusqu’ici considérés comme fiscalement efficients sont directement concernés :
le régime VVPR-bis,
la réserve de liquidation.
Dans les deux cas, le taux de précompte mobilier applicable aux distributions anticipées serait porté à 18 % dès l’entrée en vigueur de la loi, annoncée pour 2026.
Les deux mécanismes fiscaux concernés, en résumé
1️⃣ Le régime VVPR-bis
Le régime VVPR-bis permet aux actionnaires de petites sociétés de percevoir des dividendes avec un précompte mobilier réduit à 15 %, au lieu du taux standard de 30 %.
? Pour en bénéficier, plusieurs conditions doivent être réunies :
la société doit être une PME,
un apport en numéraire doit avoir été effectué à partir du 1er juillet 2013,
un délai d’attente de trois exercices comptables doit être respecté avant toute distribution,
les dividendes doivent provenir de bénéfices postérieurs à l’apport.
➡️ Objectif du régime : encourager la création d’entreprises et la capitalisation, en offrant une sortie fiscalement plus douce aux entrepreneurs.
2️⃣ La réserve de liquidation
La réserve de liquidation concerne principalement les sociétés plus anciennes.
Elle permet de mettre de côté une partie des bénéfices moyennant un impôt anticipatif de 10 % au moment de la constitution de la réserve.
? Ensuite :
0 % de précompte si la réserve est distribuée lors de la liquidation de la société,
ou un précompte réduit en cas de distribution anticipée (après un certain délai).
➡️ Objectif du mécanisme : favoriser l’épargne en société et préparer une sortie à long terme (retraite, cessation d’activité) avec une fiscalité maîtrisée.
? Dans les deux cas, ces régimes visaient à offrir une alternative crédible au taux de 30 %.
La réforme annoncée remet cet équilibre en question en alignant progressivement ces mécanismes vers une pression fiscale totale de 18 %.
Point crucial :
? les bénéfices constitués antérieurement ne sont pas protégés.
Ils tomberaient également sous le nouveau taux, sauf distribution avant l’entrée en vigueur effective du texte.
VVPR-bis : un régime encore accessible… mais sous pression
Le régime VVPR-bis permet, sous conditions strictes, de bénéficier d’un précompte mobilier réduit à 15 % sur les dividendes :
apport en numéraire effectué à partir du 1er juillet 2013,
société qualifiée de PME,
respect d’un délai d’attente de trois exercices comptables.
Ce régime a longtemps constitué un pilier de l’optimisation de la rémunération du dirigeant.
Si la réforme est adoptée telle quelle, le taux passerait à 18 %, y compris pour les bénéfices accumulés les années précédentes.
? Tant que la loi n’est pas publiée au Moniteur belge, le taux de 15 % reste applicable.
Mais la marge de manœuvre est désormais temporelle et non structurelle.
Distribuer maintenant ? Oui, mais pas sans cadre
De nombreux dirigeants envisagent aujourd’hui :
des dividendes intérimaires,
des distributions sur bénéfices reportés,
voire des assemblées générales extraordinaires anticipées.
Attention toutefois :
une distribution de dividendes est un acte juridique et financier encadré, qui suppose notamment :
le respect du test de liquidité,
la préservation de la solvabilité de la société,
une décision formellement documentée.
Une distribution mal préparée peut mettre en cause la responsabilité du dirigeant.
Tous les entrepreneurs ne disposent pas des mêmes options
Certaines situations limitent fortement la capacité d’anticipation :
sociétés encore dans le délai d’attente VVPR-bis,
bénéfices réinvestis sans trésorerie disponible,
structures nécessitant un niveau de fonds propres élevé.
Dans ces cas, des alternatives comme le compte courant débiteur/créditeur peuvent être envisagées, mais elles déplacent le problème sans l’annuler fiscalement.
Réserve de liquidation : un mécanisme de plus en plus neutralisé
Pour les sociétés plus anciennes, la réserve de liquidation offrait une sortie fiscalement attractive :
10 % d’impôt lors de la constitution,
0 % en cas de liquidation,
ou un taux réduit en cas de distribution anticipée.
La réforme prévue modifie sensiblement l’équilibre.
Pour les réserves constituées après le 31 décembre 2025, le précompte sur distribution anticipée passerait à 9,8 %, portant la pression fiscale totale à environ 18 %.
? Pour les réserves constituées avant cette date, certains taux réduits restent applicables, notamment en fonction de la date de clôture de l’exercice comptable — un point souvent négligé mais déterminant.
Ce qu’il faut retenir – Approche Tax Man Brussels
✔ Le taux de 15 % n’est pas encore supprimé, mais son maintien est strictement temporaire.
✔ La décision de distribuer doit être globale, et non uniquement fiscale.
✔ Chaque société nécessite une analyse personnalisée : trésorerie, projets futurs, âge du dirigeant, stratégie patrimoniale.
Anticiper n’est pas vider sa société.
C’est arbitrer intelligemment entre fiscalité immédiate et stabilité à long terme.
Conclusion
La réforme annoncée marque un tournant :
la distribution de liquidités devient progressivement plus coûteuse, quel que soit le mécanisme utilisé.
Dans ce contexte, le temps devient un facteur fiscal à part entière.
Et ceux qui agissent sans vision risquent de payer deux fois : aujourd’hui… et demain.










Yorum Yazın