La France reconnaît l'État de Palestine : un geste politique face à une tragédie humaine
Par Ayşe Malçikan – 27 Juillet 2025
C’est une décision que beaucoup attendaient, mais qui n’efface ni les larmes, ni les décombres : le 24 juillet 2025, la France a officiellement reconnu l’État de Palestine. Dans un discours solennel devant le Parlement, le président Emmanuel Macron a affirmé : « Le peuple palestinien a droit à la souveraineté, à la sécurité, à la dignité. Nous reconnaissons l’État de Palestine, parce que nous croyons que la paix ne naîtra que d’une justice réelle. »
Ce geste politique fort intervient dans un contexte d’urgence absolue. La situation humanitaire à Gaza et en Cisjordanie est dramatique. Les images de villes dévastées, de corps ensevelis, d’enfants amputés ou orphelins ont traversé le monde. Pour beaucoup, cette reconnaissance arrive tard. Mais elle peut être le signal d’un basculement diplomatique face à une guerre qui a déjà coûté la vie à des dizaines de milliers de civils.
Une catastrophe humanitaire sans précédent
Depuis l'automne 2024, Gaza est le théâtre d’une catastrophe à grande échelle. Selon les derniers chiffres du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), plus de 33 000 personnes ont été tuées, dont près de 70 % sont des femmes et des enfants. Près de 80 000 blessés sont recensés, souvent dans des conditions de soins précaires, voire inexistantes. Plus de 1,5 million de personnes soit les deux tiers de la population de Gaza sont aujourd’hui déplacées à l’intérieur du territoire, vivant dans des abris de fortune, des hôpitaux débordés ou à même les ruines.
La plupart des infrastructures civiles ont été détruites : plus de 65 % des hôpitaux ne sont plus opérationnels. Les écoles, les universités, les lieux de culte, les centres culturels ont été pris pour cibles ou réduits à néant. L’eau potable est devenue une denrée rare. L’UNICEF alerte sur une crise majeure de malnutrition infantile, tandis que l’Organisation mondiale de la Santé parle d’un « effondrement total du système sanitaire ».
« Ce n’est plus une zone de conflit, c’est une zone d’anéantissement », témoignait récemment le directeur de Médecins Sans Frontières pour la région. Les convois humanitaires, entravés par des blocages et des restrictions israéliennes, n’arrivent que par gouttes. Et les corridors humanitaires, lorsqu’ils existent, sont instables, parfois ciblés.
Une reconnaissance comme acte de justice
C’est dans ce contexte de désastre humanitaire que la France a choisi de reconnaître l’État de Palestine. Une décision mûrie après plusieurs mois de consultations diplomatiques, et qui fait suite à celles de l’Espagne, de la Norvège, de la Slovénie et de l’Irlande, en mai 2024. Mais venant d’une puissance dotée d’un siège permanent au Conseil de sécurité, membre fondateur de l’Union européenne et partenaire traditionnel d’Israël, ce geste a une portée singulière.
Le président Macron a souligné que cette reconnaissance ne constituait pas une hostilité envers Israël, mais une volonté de contribuer à une paix durable. « On ne construit pas la paix sur l’effacement d’un peuple. »
Une réponse aux échecs diplomatiques
Depuis les accords d’Oslo en 1993, la communauté internationale s’est souvent réfugiée derrière une « solution à deux États », sans jamais lui donner de réalité tangible. Les négociations directes sont au point mort depuis plus d’une décennie. Pendant ce temps, les colonies israéliennes en Cisjordanie se sont multipliées : selon B’Tselem, une ONG israélienne de défense des droits humains, plus de 750 000 colons vivent désormais dans les territoires palestiniens occupés, en violation du droit international.
Le dernier conflit en date, déclenché par une opération israélienne de grande ampleur sur Gaza à l’automne 2024, a marqué un tournant. Les bombardements massifs, la coupure des télécommunications, l’usage d’armes à fragmentation et les frappes sur les camps de réfugiés ont été dénoncés par plusieurs organisations internationales comme pouvant constituer des crimes de guerre.
Une réaction israélienne virulente
La reconnaissance française a immédiatement provoqué une réaction de colère à Tel Aviv. Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a dénoncé une décision « unilatérale, immorale et dangereuse », accusant la France de « trahir les principes occidentaux » et de « récompenser le Hamas ». L’ambassadeur de France a été convoqué par le ministère israélien des Affaires étrangères, et plusieurs coopérations ont été gelées.
Mais du côté palestinien, cette décision est accueillie avec émotion. Le président Mahmoud Abbas a salué un « moment historique » et appelé les autres pays européens à suivre l’exemple de la France. À Ramallah, Naplouse, Hébron et même dans les décombres de Gaza, des drapeaux français ont été hissés sur les toits encore debout. « Cette reconnaissance ne fera pas revenir nos morts. Mais elle nous dit que nous ne sommes pas seuls », confie une survivante de Khan Younès (ville du sud de la bande de Gaza).
Une Europe divisée, mais en mouvement
La reconnaissance de la Palestine par la France a rouvert des débats houleux au sein de l’Union européenne. L’Allemagne, les Pays-Bas ou encore la République tchèque s’y opposent, invoquant la nécessité de négociations bilatérales. Mais d’autres pays envisagent désormais de franchir le pas. Une réunion extraordinaire du Conseil des Affaires étrangères est prévue en août à Bruxelles.
Une voix palestinienne saluant la position française
À Paris, Hala Abou-Hassira, ambassadrice de Palestine en France, a exprimé une vive reconnaissance à l’égard de la décision française. Sur BFMTV, elle a affirmé que : « Israël cherche à fuir la paix », soulignant l’impasse diplomatique actuelle.
Elle a insisté sur le fait que cette reconnaissance « empêche la normalisation de faits accomplis sur le terrain » qui rendent, selon elle, toute solution à deux États impossible.
Une paix encore lointaine
Il ne faut pas se méprendre : la reconnaissance française, aussi importante soit-elle, ne met pas fin à la guerre. L’État palestinien ainsi reconnu reste fragmenté, sans continuité territoriale, sous occupation et embargo. Mais elle redonne un levier diplomatique, une voix, une légitimité politique aux représentants palestiniens. Elle redonne aussi espoir aux familles, aux blessés, aux déplacés, aux enfants nés dans les camps et les ruines.
Tandis que les bombes effacent les frontières de l’enfance et que le silence enterre les morts sans noms, la France a prononcé un mot que tant attendaient : reconnaissance. Un mot fragile, mais qui résonne comme un espoir debout au milieu des ruines.
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