L’Union européenne passe à l’offensive : un budget historique de 2.000 milliards d’euros pour renforcer sa compétitivité face aux États-Unis et à l’Asie

L’Union européenne passe à l’offensive : un budget historique de 2.000 milliards d’euros pour renforcer sa compétitivité face aux États-Unis et à l’Asie

Bruxelles, 16 juillet 2025 Kadir Duran / Bruxelles Korner

L’Europe investit massivement dans les secteurs d’avenir : climat, défense, tech, agriculture, recherche…

Mais elle s’outille également pour surveiller étroitement l’usage des fonds, avec des mécanismes de contrôle, de conditionnalité et de sanction renforcés.

La Commission européenne a dévoilé une proposition de budget pluriannuel de 2.000 milliards d’euros pour la période 2028–2034, marquant un tournant stratégique sans précédent dans l’histoire de l’Union. À travers ce cadre financier hors norme, l’UE entend répondre aux crises systémiques récentes et affirmer sa souveraineté face aux superpuissances que sont les États-Unis et la Chine.

« C’est le budget d’une nouvelle ère. Le plus ambitieux jamais proposé », a déclaré la présidente Ursula von der Leyen.

Une Europe plus compétitive, plus indépendante

Face aux grandes manœuvres économiques américaines (Inflation Reduction Act, relocalisations massives) et à l’expansion technologique asiatique, l’Union européenne entend rééquilibrer les forces. Loin de se limiter à une réponse conjoncturelle, ce budget incarne une vision stratégique à long terme : investir, protéger, innover.

Un budget colossal, sectorisé par priorités

Voici les grands postes d’investissement annoncés :

Secteur, Budget prévu et Objectifs

Agriculture (PAC)

300 Mds €

Maintenir la sécurité alimentaire, soutenir la transition écologique.

Politique régionale et cohésion

218 Mds €

Réduire les écarts entre régions, soutenir l’emploi local.

Compétitivité, industrie, numérique

410 Mds €

Réindustrialiser l’Europe, stimuler l’innovation et les technologies stratégiques.

Défense et espace

131 Mds €

Renforcer l’autonomie stratégique, développer le spatial européen.

Climat et biodiversité

~700 Mds € (35% du budget)

Atteindre les objectifs du Pacte vert, protéger les écosystèmes.

Recherche et innovation (Horizon Europe)

~200 Mds € (doublé)

Faire de l’Europe un leader scientifique.

Migration et frontières

~90 Mds € (triplé)

Sécuriser les frontières et gérer les flux migratoires.

Fonds de crise

200 Mds €

Réagir aux pandémies, cyberattaques, crises énergétiques.

Aide à l’Ukraine

100 Mds €

Des garde-fous pour un budget maîtrisé

Ce budget massif ne sera pas un « chèque en blanc ». La Commission a renforcé les mécanismes de contrôle et de conditionnalité, pour garantir une utilisation efficace et équitable des fonds.

Mécanismes prévus :

• Plans nationaux et régionaux obligatoires : chaque État devra présenter un programme détaillé pour accéder aux fonds.

• Versements conditionnés à la réalisation d’objectifs mesurables.

• Surveillance renforcée par le Parlement européen, la Cour des comptes européenne, et en cas de fraude, le Parquet européen (EPPO).

• Gel des fonds possible en cas de non-respect de l’État de droit.

(Les fonds peuvent être gelés pour tout pays ne respectant pas les principes de l’UE (liberté de la presse, indépendance judiciaire, etc.), comme c’est déjà le cas avec la Hongrie.)

Des tensions déjà perceptibles

La centralisation budgétaire envisagée, avec une enveloppe unique par État sur sept ans, suscite des inquiétudes, notamment du côté des agriculteurs. Le syndicat Copa-Cogeca craint une dilution de la Politique agricole commune (PAC).

Par ailleurs, plusieurs États membres — notamment l’Allemagne et la France — s’opposent à toute augmentation de leur contribution nationale. La Commission propose donc de financer cette hausse via de nouvelles ressources propres, encore à définir.

Des débats intenses à prévoir

L’adoption de ce budget nécessitera l’unanimité au Conseil de l’UE et l’approbation du Parlement européen. Les négociations s’annoncent longues (jusqu’en 2027) et parfois houleuses. La présidente von der Leyen en est consciente :

« La nouvelle normalité est tout sauf normale. Notre budget doit pouvoir réagir vite. »

Un tournant historique pour l’UE

Ce budget représente bien plus qu’un plan comptable : c’est un outil politique pour affirmer le rôle de l’Europe dans un monde fragmenté. En unifiant ses ressources, en ciblant ses investissements, et en contrôlant ses dépenses, l’Union européenne cherche à redevenir un acteur global de poids, à égalité avec les États-Unis et la Chine.

Kadir Duran / Bruxelles Korner

Article rédigé, photos et video de Kadir Duran pour Bruxelles Korner

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