Phyllis Latour, l’ombre d’une héroïne
Ce matin, j’ai découvert une histoire qui mérite d’être connue. Celle d’une femme oubliée par l’Histoire officielle, mais qui a, dans l’ombre, contribué à changer le cours de la Seconde Guerre mondiale. Une héroïne méconnue, centenaire, dont le courage silencieux mérite aujourd’hui d’être mis en lumière. Une femme parmi tant d’autres, rarement citées, mais essentielles à la liberté que nous connaissons aujourd’hui.
Une jeunesse entre tragédies et horizons lointains
Phyllis “Pippa” Latour voit le jour le 8 avril 1921 à Durban, en Afrique du Sud, d’un père français et d’une mère britannique. Orpheline très jeune — son père est tué lorsqu’elle a à peine trois mois, sa mère décède deux ans plus tard — elle est recueillie par sa famille en Afrique centrale, au Congo belge, puis poursuit sa scolarité au Kenya et enfin en Angleterre. Ce parcours cosmopolite forgera en elle une capacité d’adaptation exceptionnelle… et une maîtrise parfaite du français, qui changera le cours de sa vie.
Du ciel aux lignes ennemies
En 1941, elle rejoint la Women’s Auxiliary Air Force (WAAF) britannique en tant que mécanicienne. Deux ans plus tard, le destin frappe à sa porte : elle est recrutée par le Special Operations Executive (SOE), le service secret britannique chargé des opérations de sabotage et de renseignement derrière les lignes ennemies. Grâce à sa discrétion, sa détermination et sa parfaite connaissance du français, elle est choisie pour une mission capitale.
Le 1er mai 1944, à seulement 23 ans, Phyllis est parachutée depuis un bombardier américain au-dessus de la Normandie occupée. Une fois au sol, elle enterre ses effets et se fond dans la population. Sa couverture : une adolescente française pauvre, fuyant les bombardements, qui vend du savon à vélo.
Une espionne au courage inébranlable
Sa mission ? Recueillir et transmettre aux Alliés des informations essentielles sur les positions et mouvements des troupes nazies, en vue du Débarquement. Pendant plus de trois mois, elle sillonne la région, pédalant de village en village, risquant à chaque instant la torture et la mort si elle était démasquée.
Elle utilise des techniques dignes d’un roman d’espionnage : les messages codés sont dissimulés dans un ruban noué dans ses cheveux ou dans son matériel de tricot. Elle inscrit même des codes sur un morceau de soie caché dans un élastique à cheveux. Un jour, interceptée et fouillée par les Allemands, elle fait tomber l’élastique au sol d’un geste naturel. Ils ne verront jamais le piège.
Durant sa mission, elle transmet 135 messages codés à Londres. Grâce à elle, les bombardiers alliés peuvent cibler avec précision les infrastructures ennemies. Elle ne sera jamais capturée.
« Les hommes envoyés avant moi avaient été arrêtés et exécutés. On m’a choisie parce que j’étais une jeune femme, moins suspecte », confiera-t-elle plus tard.
Une héroïne oubliée, une vie discrète
Après la guerre, elle s’éloigne du tumulte et de la reconnaissance. Elle épouse un ingénieur, Patrick Boyle, avec qui elle aura quatre enfants. Elle vit en Afrique de l’Est, aux Fidji, en Australie, puis finalement en Nouvelle-Zélande. Ce n’est qu’en l’an 2000 que ses enfants découvrent accidentellement, en ligne, son passé héroïque qu’elle n’avait jamais évoqué.
Le 29 novembre 2014, à l’occasion du 70e anniversaire du Débarquement, la France lui rend hommage en lui remettant la Légion d’honneur. Elle avait déjà été décorée de la Croix de guerre, du MBE (Membre de l’Ordre de l’Empire britannique) et de plusieurs médailles militaires britanniques.
La dernière survivante d’un monde en lutte
Phyllis Latour s’éteint paisiblement à Auckland, en Nouvelle-Zélande, le 7 octobre 2023, à l’âge de 102 ans. Elle était la dernière femme en vie de la section F du SOE, ce réseau d’hommes et de femmes qui, dans l’ombre, ont risqué leur vie pour libérer l’Europe du joug nazi.
Que son nom ne tombe jamais dans l’oubli.
Que son courage inspire.
Que son silence nous interpelle.
Qu’elle repose en paix.
Kadir Duran
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