OPINION
Le « gouvernement Arizona » : quand les réformes glaciales creusent un canyon social dans le modèle belge
Par Kadir Duran – Bruxelles Korner
Le « gouvernement Arizona » : Bruxelles, le Phoenix de la Belgique face à un canyon social
Tout le monde connaît l’Arizona, cet État du sud-ouest des États-Unis dont le Grand Canyon, creusé par l’érosion millénaire du fleuve Colorado, attire chaque année des millions de visiteurs. Mais en Belgique, un autre « Arizona » est né : un gouvernement dont les réformes, loin d’admirer, creusent des gouffres dans la société.
Des réformes profondes, des fractures sociales béantes
À l’image du canyon, les décisions prises par ce « gouvernement Arizona » entaillent profondément le paysage social belge. Les résolutions récentes visent particulièrement les malades et les sans-emploi de longue durée. Résultat : un risque accru d’expulsions, une pression insoutenable sur les CPAS déjà débordés, et un sentiment d’injustice croissant parmi les citoyens fragilisés.
Frank Vandenbroucke, ministre de la Santé et des Affaires sociales, en est le visage. Le 1er janvier 2026, entrera en vigueur un nouveau paquet de mesures destinées à accélérer le retour au travail des malades de longue durée.
Le retour au travail… ou l’exclusion
Concrètement, dès la nouvelle année, chaque certificat d’incapacité sera transmis automatiquement au médecin du travail, qui devra contacter le patient au plus tard après un mois. La durée des certificats sera limitée à trois mois, et les médecins devront désormais accompagner leur diagnostic d’une « fit note » – une évaluation de ce que le patient peut encore faire.
L’employeur, lui, aura six mois pour mettre en place un parcours de réintégration. Faute de quoi, il devra supporter des cotisations de solidarité. De leur côté, les mutualités verront leur financement indexé sur leur capacité à ramener les malades vers l’emploi.
Pour ceux qui n’ont plus de contrat de travail, une inscription obligatoire auprès du service de l’emploi sera imposée, avec entretien dès le premier mois. Quant aux malades de très longue durée, ils devront désormais revoir annuellement leur médecin pour réévaluer leur « capacité de travail », avec des invalidités limitées à 1, 2 ou 5 ans maximum.
Le spectre du Phoenix… ou du gouffre
Les partisans présentent ces mesures comme un tremplin, un moyen de transformer l’invalidité en opportunité, d’aider certains à renaître « tel un Phoenix ». Mais pour beaucoup, la réalité pourrait ressembler à un séisme social :
• Un tsunami immobilier menace les familles incapables de payer leurs crédits, contraintes de vendre pour survivre.
• Un effet domino pèse sur les CPAS, sommés d’absorber toujours plus d’exclus du système.
• Un risque de licenciements massifs se profile si le projet, à partir de 2026, oblige les employeurs à financer une partie des indemnités maladie.
Ces mesures pèsent particulièrement lourd sur Bruxelles, une ville dont 11 communes sur 19 sont déjà placées sous tutelle régionale. Et ce sont précisément ces communes, souvent les plus fragiles, qui seront les plus touchées par les exclusions sociales et les expulsions. Une véritable gouffre financière menace de s’ouvrir sous les pieds de la Région bruxelloise. Dès lors, une question dérangeante surgit : mettre Bruxelles en faillite ne serait-il pas, pour certains, un avantage stratégique afin de fragiliser encore la capitale et renforcer la division du pays au profit de la Flandre ?
Une Belgique au bord d’un nouveau monde ?
Le « gouvernement Arizona » a choisi sa voie : creuser pour « réformer ». Mais au lieu d’un canyon majestueux, c’est une faille sociale qui s’ouvre. La question est de savoir qui pourra, dans ce désert de protections sociales, renaître en Phoenix… et qui restera enseveli sous les éboulements.
Et pourtant, s’il y a bien un endroit en Belgique qui a toujours su renaître de ses cendres, c’est Bruxelles. Tout comme le Phoenix est l’emblème de l’Arizona, Bruxelles est elle-même le Phoenix de la Belgique – meurtrie, secouée, mais toujours renaissante. La question est de savoir si, cette fois, face à l’érosion des protections et au poids de l’exclusion, la capitale pourra encore se relever en Phoenix… ou si l’abîme finira par l’emporter.
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