Interdiction des smartphones à l’école : faut-il aussi restreindre les PC connectés, et craindre un ChatGPT-gate ?
Par Kadir Duran – Bruxelles Korner
Un concours entaché par l’ombre de l’IA
« La fraude est inacceptable », a martelé Zuhal Demir, ministre flamande de l’Enseignement, après des soupçons d’usage de ChatGPT lors du concours d’admission en médecine. Plusieurs candidats auraient eu recours à l’intelligence artificielle générative pour résoudre les épreuves, déclenchant une enquête interne.
Cet incident relance une question brûlante : comment protéger l’intégrité des examens dans un monde où les outils d’IA sont accessibles en quelques clics ?
1. Rentrée 2025 : la Belgique sans smartphone en mains
Dès la rentrée 2025-2026, toute utilisation récréative des smartphones, tablettes et montres connectées sera interdite dans les écoles belges, de la maternelle au secondaire, couvrant Wallonie, Bruxelles, Flandre et Communauté germanophone.
Exceptions : usage pédagogique sous contrôle de l’enseignant, raisons médicales ou situations familiales urgentes.
Certaines écoles vont plus loin : des pochettes scellées sont déjà utilisées pour confisquer les téléphones dès l’arrivée de l’élève, qui ne récupère son appareil qu’en fin de journée.
2. Les règles en Belgique
• Fédération Wallonie-Bruxelles : interdiction générale en cours, récréations, temps de midi et sorties scolaires.
• Communauté germanophone : interdiction dès 2025-2026.
• Flandre : application progressive — interdiction totale en 1ʳᵉ et 2ᵉ secondaires, limitée aux cours en 3ᵉ.
3. Une tendance internationale
La Belgique s’inscrit dans une dynamique mondiale d’encadrement des écrans à l’école.
• France : pionnière, interdiction depuis 2018 pour les moins de 15 ans.
• Pays-Bas : des écoles comme le Calvijn College constatent une meilleure concentration et moins de cyberharcèlement.
• Brésil : interdiction nationale votée fin 2024 pour les 4-17 ans.
• Canada : provinces de l’Ontario et de l’Alberta concernées depuis 2024-2025.
• Italie : Rome plaide pour une interdiction à l’échelle européenne, au moins jusqu’à 14 ans.
4. Études et recommandations
• L’UNESCO rappelle qu’une simple notification peut détourner l’attention d’un élève pendant 20 minutes.
• L’OCDE, plus nuancée, met en garde contre les interdictions trop rigides et recommande d’associer éducation numérique, implication des familles et accompagnement pédagogique.
5. Un débat entre pédagogie et autorité
Les partisans de l’interdiction soulignent une meilleure concentration, une baisse des tensions sociales et une lutte contre le cyberharcèlement.
Les opposants dénoncent une « solution simpliste » qui ne s’attaque pas aux racines de la dépendance numérique et rappellent que le smartphone peut être un outil éducatif lorsqu’il est bien encadré.
6. Ordinateurs connectés : menace ou chance ?
La polémique ChatGPT relance une autre question : faut-il interdire les ordinateurs connectés à Internet en classe ?
Arguments favorables :
• Recherche en temps réel et approfondissement des cours.
• Inclusion d’élèves en difficulté ou en situation de handicap.
Arguments défavorables :
• Sources de distractions massives (réseaux sociaux, vidéos).
• Plusieurs universités déconseillent, voire bannissent leur usage sans encadrement.
• Exemple frappant : une école de Virginie-Occidentale (USA), privée de Wi-Fi, a vu ses élèves pénalisés pédagogiquement avant de rétablir un accès partiel.
Verdict : pas d’interdiction totale, mais un encadrement strict via filtres de contenus et logiciels de supervision.
7. ChatGPT et examens : une fraude inévitable ?
Usage massif
• En 2025, près de 90 % des étudiants américains admettent avoir utilisé l’IA dans leurs travaux (Axios).
• En Écosse, les cas de plagiat liés à l’IA ont doublé en un an (The Times).
Détection imparfaite
• Outils comme Turnitin ou GPTZero produisent trop de faux positifs, sanctionnant parfois injustement les étudiants.
Solutions envisagées
• Retour des examens oraux (viva voce) en Australie (Adelaide Now).
• Rédactions manuscrites en classe à New York (New York Post).
• Examens plus difficiles à tricher, selon Reid Hoffman (LinkedIn).
Impact inattendu
Une étude de 2024 révèle que les étudiants utilisant massivement l’IA obtiennent en moyenne 6,7 points de moins sur 100 que ceux qui l’utilisent peu ou pas.
8. Synthèse : surveillance, pédagogie et responsabilité
• Les ordinateurs ne doivent pas être bannis, mais encadrés.
• ChatGPT représente un risque réel pour l’intégrité des évaluations, mais la fraude n’est pas une fatalité.
• Solutions : oraux, travaux surveillés, nouvelles méthodes d’évaluation, éducation à l’IA.
Conclusion
Entre l’interdiction des smartphones et la menace d’une fraude généralisée à l’IA, l’école est confrontée à un dilemme historique : apprendre avec la technologie sans en devenir prisonnière.
La Belgique, avec son décret de 2025 et le scandale du concours de médecine, devient un véritable laboratoire européen des défis numériques éducatifs.
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