Un ex-PTB au PS : le cas El Mokadem, symptôme d’une Bruxelles politiquement à bout de souffle
Par Kadir Duran – Bruxelles Korner
Bruxelles, décembre 2025

Le ralliement de Soulaimane El Mokadem, ancien député bruxellois du PTB, au Parti socialiste dépasse largement le cadre d’un simple changement de carte de parti. Il s’agit d’un événement politiquement révélateur, à la croisée de trois crises profondes : celle du blocage institutionnel bruxellois, celle de la cohérence partisane, et celle de la fatigue démocratique qui gagne la Région-Capitale.
Avec 14.861 voix aux élections régionales de juin 2024, El Mokadem n’est pas un élu anodin. Il figurait parmi les meilleurs scores régionaux, incarnant une figure populaire du PTB dans plusieurs quartiers bruxellois. Son départ, puis son ralliement final au PS, rebat donc les cartes d’une arithmétique parlementaire devenue obsessionnelle.
Un gain décisif… mais incomplet pour Yvan Verougstraete
Sur le plan strictement mathématique, ce transfert renforce la tentative d’Yvan Verougstraete, formateur bruxellois, de constituer une majorité de centre-gauche sans le MR.
Côté francophone, le verrou saute ou du moins s’assouplit.
Mais Bruxelles ne se gouverne jamais sur une seule jambe.
La majorité néerlandophone demeure introuvable, et avec elle, l’éternel rappel de la réalité institutionnelle bruxelloise : chaque avancée partielle masque un blocage structurel intact.
Le PTB face à ses propres contradictions
La réaction du PTB, exigeant la restitution du mandat au nom de la loyauté envers les électeurs et le programme, est cohérente avec sa ligne idéologique. Mais l’affaire El Mokadem met en lumière une faille plus profonde : celle de la gestion humaine du mandat politique.
Les revirements successifs du député — retrait pour raisons de santé, annonce de ralliement au PS, rétractation au nom de la parole donnée, retour comme indépendant, puis adhésion définitive au PS ne traduisent pas seulement une instabilité individuelle. Ils illustrent la pression extrême exercée sur les élus, coincés entre discipline partisane, exposition publique et fragilités personnelles.
Une parole politique de plus en plus fragile
Ironie du sort : El Mokadem a lui-même invoqué à plusieurs reprises le respect des engagements et de la parole donnée.
Mais dans une Bruxelles privée de gouvernement depuis des mois, où les coalitions se succèdent sans aboutir jusqu’à la fameuse « coalition Guinness » la parole politique elle-même semble dévaluée, usée par l’urgence et les calculs.
Le député solitaire devient alors une figure symptomatique : ni totalement libre, ni pleinement intégré, naviguant dans un système qui peine à produire de la stabilité.
Une victoire tactique, pas une sortie de crise
Pour Yvan Verougstraete, ce ralliement est une bouffée d’oxygène tactique. Il peut démontrer que son projet n’est pas mort-né.
Mais il reste fragile :
majorité arithmétique plutôt qu’idéologique,
dépendance à des parcours politiques instables,
absence de solution côté néerlandophone.
Autrement dit : une pièce de puzzle ajoutée, mais une image toujours floue.
Au-delà d’un nom, une crise du système
Le cas El Mokadem dépasse l’homme et le parti.
Il révèle une Bruxelles institutionnellement épuisée, où chaque siège devient stratégique, chaque élu une variable d’ajustement, et où la gouvernance semble suspendue à des revirements individuels.
La vraie question n’est donc pas seulement de savoir qui a changé de camp, mais combien de temps encore la Région pourra fonctionner sans réforme profonde de son modèle politique.










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