Fraude fiscale : la Cour constitutionnelle restreint les pouvoirs du fisc sur les comptes étrangers
Par Kadir Duran
Un tournant pour les contribuables belges détenteurs de comptes à l’étranger : la Cour constitutionnelle vient d’imposer des garde-fous aux enquêtes du fisc, jusque-là perçues comme intrusives et systématiques.
Une décision qui rééquilibre les rapports entre fisc et contribuables
La Cour constitutionnelle belge a rendu un arrêt important encadrant plus strictement les enquêtes fiscales liées aux comptes bancaires étrangers. Jusqu’à présent, de nombreux contribuables étaient soumis à des contrôles rétroactifs étendus, allant de trois à sept ans, souvent assortis de pénalités de 10 à 50 % pour absence de déclaration de revenus passifs (notamment des intérêts).
En outre, la taxation des revenus passifs issus de l’étranger tels que les intérêts ou dividendes atteint généralement 30 %. Ce taux peut être majoré par des amendes variables selon les régions. Ainsi, pour une même régularisation, les contribuables peuvent être confrontés à des niveaux de sanction différents en Flandre, à Bruxelles ou en Wallonie, ce qui alimente un sentiment d’injustice et d’iniquité fiscale.
“Il serait nécessaire d’uniformiser ces pratiques à l’échelle nationale afin d’assurer l’égalité devant l’impôt”, estime un fiscaliste interrogé.
Un délai clair : 24 mois pour agir
Désormais, l’administration fiscale devra se conformer à des règles strictes lorsqu’elle agit sur base des fiches NCD (Normes communes de déclaration), transmises par des dizaines de pays dans le cadre des échanges automatiques d’informations financières.
Le fisc dispose d’un délai de 24 mois à compter de la réception d’une fiche NCD pour enquêter sur les revenus de l’année concernée. S’il souhaite étendre l’investigation aux cinq (en cas de mauvaise foi) ou sept dernières années (en cas de fraude), il devra désormais démontrer qu’il existe des indices clairs et suffisants sur base des données reçues.
“Le fisc ne peut plus mener des enquêtes rétroactives de manière automatique. Il faut des éléments concrets liés aux informations obtenues”, explique Charlotte Lardenoit, avocate chez Sansen International Tax Lawyers.
Vérifiez vos données sur MyMinfin
Chaque contribuable peut vérifier les fiches transmises à l’administration via la plateforme MyMinfin.be. Il est également conseillé de vérifier leur exactitude, car des erreurs y figurent régulièrement.
“La date de réception de la fiche est essentielle, car c’est à partir de là que commence le compte à rebours des 24 mois”, rappelle Filip Smet, avocat chez Deloitte Legal Lawyers.
En 2022, 6.742 dossiers ont été examinés dans ce cadre, pour un total de 21,5 millions d’euros récupérés en impôts et suppléments, selon le SPF Finances.
Une obligation déclarative, mais pas toujours une taxation
Détenir un compte à l’étranger ne signifie pas automatiquement qu’un impôt est dû. Toutefois, le compte doit obligatoirement être déclaré dans la déclaration fiscale, ainsi qu’auprès du Point de contact central (PCC) de la Banque nationale de Belgique.
Dans la déclaration fiscale 2024 (portant sur les revenus 2023), 418.214 ménages belges ont déclaré un compte étranger, soit une hausse de 10 % par rapport à l’année précédente.
En résumé
• Le fisc belge peut accéder aux données financières étrangères via les fiches NCD.
• Un arrêt de la Cour constitutionnelle impose désormais un cadre strict à l’usage de ces données.
• Les enquêtes doivent être initiées dans un délai de 24 mois suivant la réception des informations.
• Le retour sur 5 à 7 ans ne peut se faire qu’en cas d’indices concrets.
• Les taux de pénalité varient selon les régions — une uniformisation serait souhaitable.
Cette décision marque un ralentissement des contrôles “à l’aveugle” et renforce les droits des contribuables, tout en pointant du doigt les incohérences régionales qui mériteraient d’être corrigées au nom de la justice fiscale.
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