European Women’s International Leadership Award 2025 : huit parcours qui bousculent le monde
Par Kadir Duran — Bruxelles, lundi 3 novembre 2025, 18h30 – DoubleTree by Hilton Brussels City

Nées au Yémen, au Maroc, en Slovénie, en Jamaïque, en Slovaquie–Italie, au Tigré (Éthiopie), en Istrie (Croatie) et en RD Congo, huit femmes ont été distinguées, lundi soir à Bruxelles, par le European Women’s International Leadership Award (EWILA). Huit trajectoires de courage et d’utilité publique : créer, protéger, soigner, entreprendre, éduquer, réparer, inspirer.
Un prix né à Bruxelles, porté par l’Europe civique
Lancé au Parlement européen en 2019, EWILA met à l’honneur des femmes qui ont « su briser les assignations, s’attaquer à des bastions masculins et ouvrir la voie à d’autres ». Après des éditions contraintes par le Covid (accueillies par la Représentation de la Hesse à Bruxelles), la cérémonie 2025 s’est tenue près de la place Rogier.
Le jury 2025 : Marième Albertini, Radouan Bachiri, Björn Hultin, Irene Kamanzi, Frank Schwalba-Hoth, Svetlana Spaic.
Ouverture : allocutions de Radouan Bachiri et Frank Schwalba-Hoth, puis présentation de chaque lauréate par une personnalité invitée, remise du trophée et discours.
Les huit lauréates 2025

Najla Alshami (Yémen) — Art, mémoire et dignité
Présentée par l’écrivaine et juriste Silvia Polidori, Najla Alshami incarne l’art comme rempart contre l’effacement. Ex-coopérante auprès d’organisations locales et internationales (notamment UNICEF, Banque mondiale), contrainte à l’exil par la guerre, elle cofonde en Belgique Yemen Art Base, plateforme d’archivage et de mise en valeur des artistes yéménites, puis International Art Base pour les scènes artistiques des pays en conflit.
Message-clé : « Changer l’image d’un pays par la force créative de ses artistes. »
Khadija Bendam (Maroc) — Sécurité nucléaire et leadership féminin
Ingénieure de formation (École Mohammadia), experte reconnue par l’AIEA en préparation et réponse d’urgence, sûreté, sécurité et communication publique, elle a conduit des exercices africains de sécurité nucléaire (Botswana, Sénégal), cosigné des publications de référence de l’AIEA et milite pour l’inclusion via Women in Nuclear Global et le Réseau des Femmes Arabes.
Extrait de son discours : hommage à la vision d’égalité inscrite dans la Constitution marocaine et dédicace « à toutes celles qui innovent, protègent et élèvent ».
Violeta Bulc (Slovénie) — De la tech à l’“éco-civilisation”
Ingénieure, entrepreneure, ex-vice-première ministre de Slovénie et ancienne commissaire européenne aux Transports, Violeta Bulc relie numérique, durabilité et culture. Son intervention, empreinte d’humanisme, a plaidé pour une “éco-civilisation” où la technologie amplifie le potentiel humain et la paix devient « vertu du plus fort ».
Mantra : « Nous sommes ceux que nous recherchons. »
Nasancia Charles (Jamaïque/États-Unis) — Reconstruire, relever, relier
Rescapée de violences et d’errances, devenue agente immobilière classée dans le top 25 % de New York, elle a orienté ses commissions vers des programmes pour femmes en refuges (relooking, défilés, études bibliques, réinsertion). Aujourd’hui engagée au Nigeria et mobilisée pour sa paroisse jamaïcaine de St. Elizabeth dévastée par l’ouragan Melissa, elle appelle à des partenariats concrets plus qu’à la charité ponctuelle.
Image forte : « Créer des refuges de sécurité et d’estime de soi. »
Klaudia Fliegelova (Slovaquie, Italie) — L’intelligence émotionnelle comme bien commun
Biographie cabossée, reconversion universitaire à 50 ans, fondatrice d’Emotionologia (plateforme et formation au travail émotionnel). Ses programmes (efficacité émotionnelle, compétences interpersonnelles, méditation sensible) ont été intégrés au travail RH du Parlement européen.
Dédicace : « Aux femmes qui choisissent d’affronter la douleur pour renaître. »
Rahwa Kinfe (Tigré, Éthiopie) — De l’asile à la parole publique
Ancienne hôtesse de l’air et athlète, réfugiée en Belgique après les violences au Tigré, Rahwa Kinfe milite pour les victimes de guerre (manifestations, levées de fonds) et prépare, via son ONG, la participation d’athlètes mutilés aux Jeux paralympiques 2028.
Phrase qui reste : « Notre seul véritable espoir réside dans la solidarité humaine. »
Elis Lovrić (Istrie, Croatie) — Une voix pour les petites langues
Actrice-chanteuse, poète, Elis Lovrić a choisi de chanter dans son dialecte labinien (aujourd’hui patrimoine immatériel protégé en Croatie) et en quinze langues. Concerts humanitaires réguliers (oncologie, paralysie cérébrale, maisons de retraite).
Sa boussole : « Impossible s’écrit I’m possible. »
Christine Schuler-Deschryver (RD Congo) — Guérir, former, transformer
Absente, représentée par sa fille Sarah, la cofondatrice (avec Eve Ensler et le Dr Denis Mukwege, Nobel de la Paix 2018) et directrice de City of Joy à Bukavu reçoit l’award pour un travail hors norme : plus de 2 300 femmes survivantes formées au leadership, thérapie et compétences de vie, capables de lancer projets et entreprises et de devenir des actrices de justice dans leurs communautés.
Son message vidéo : dénonciation claire de la guerre d’occupation à l’Est, appel à la responsabilité internationale et à la protection des civils.
Une soirée orchestrée avec sobriété et intensité
La scénographie : présentation croisée (une marraine/un parrain pour chaque lauréate), trophée, prise de parole, puis final musical. La chanteuse Elis Lovrić a clôturé la cérémonie par une interprétation à la guitare, avant un moment de convivialité autour d’un buffet et d’un champagne à volonté.
Pourquoi cela compte
Parce que ces parcours déplacent des lignes très concrètes : sûreté nucléaire, archives d’art en zone de guerre, leadership institutionnel, reconstruction post-catastrophe, santé émotionnelle, inclusion par le sport, sauvegarde des langues minoritaires, réparation des violences sexuelles de masse.
Parce que le leadership féminin n’est pas un slogan, mais une chaîne d’actions mesurables, reproductibles, contagieuses.
Repères pratiques
EWILA – European Women’s International Leadership Award
Lieu : DoubleTree by Hilton Brussels City, Rue Gineste 3, 1210 Bruxelles
Site : ewilawards.com
Jury 2025 : Marième Albertini, Radouan Bachiri, Björn Hultin, Irene Kamanzi, Frank Schwalba-Hoth, Svetlana Spaic
Citations-phares (sélection)
Violeta Bulc : « Je rêve d’une société où la paix est la vertu du plus fort. »
Rahwa Kinfe : « Nous ne partagions pas la langue, mais la même douleur et la même résilience. »
Elis Lovrić : « Impossible s’écrit I’m possible. »
Khadija Bendam : « Ce trophée est un message d’espoir et de responsabilité partagée. »
Najla Alshami : « Changer les imaginaires par l’art : notre meilleure arme contre l’oubli. »

Mot de la rédaction
À Bruxelles, ville-monde et carrefour des institutions, EWILA rappelle que l’Europe s’écrit aussi au féminin pluriel, par des solutions qui sauvent, soignent, protègent et relèvent. Huit fois bravo.
Texte : Kadir Duran — Bruxelles Korner










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