Quoi de neuf dans l’économie de l’Ouzbékistan ? 1–15 décembre 2025
ORTA ASYA - ASIE CENTRALEQuoi de neuf dans l’économie de l’Ouzbékistan ? 1–15 décembre 2025
Quoi de neuf dans l’économie de l’Ouzbékistan ?
Dynamiques européennes, intégration régionale et pivot stratégique eurasiatique
1–15 décembre 2025
Par Kadir Duran – Bruxelles Korner
Bruxelles, 15 décembre 2025
L’Ouzbékistan confirme, en cette fin d’année 2025, son statut de pivot économique et géopolitique en Asie centrale. Entre soutien financier européen, accélération des investissements intrarégionaux, rapprochement technologique avec la Chine et rôle croissant dans la connectivité eurasiatique, Tachkent consolide une trajectoire de transformation structurelle engagée depuis plusieurs années.
1. Union européenne – De l’aide sectorielle à la stratégie géoéconomique
1.1 Agriculture : un secteur clé sous condition de réformes
Le décaissement de 7 millions d’euros par l’Union européenne en faveur de la Stratégie de développement agricole 2020–2030 n’est pas un simple geste budgétaire. Il s’inscrit dans une logique de conditionnalité politique et économique, devenue centrale dans la relation UE–Asie centrale.
L’agriculture représente encore plus de 25 % de l’emploi en Ouzbékistan et reste marquée par :
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une gestion foncière incomplètement libéralisée,
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une forte dépendance à l’eau,
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des chaînes de valeur peu intégrées aux standards européens.
En conditionnant le reliquat de financement à des réformes mesurables (droits d’usage des terres, sécurité alimentaire, gouvernance sanitaire, durabilité), Bruxelles pousse Tachkent à aligner son modèle agricole sur les normes euro-méditerranéennes, ouvrant à terme la voie à :
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une montée en gamme des exportations,
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une réduction de la dépendance au coton brut,
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une meilleure résilience climatique.
Lecture stratégique : l’UE utilise l’agriculture comme porte d’entrée structurelle dans l’économie ouzbèke, là où l’impact social et territorial est maximal.
1.2 Global Gateway et Middle Corridor : l’Ouzbékistan au cœur de la carte
L’intégration du corridor trans-caspien (Middle Corridor) comme axe prioritaire du paquet Global Gateway (12 milliards €) marque un tournant.
Pour l’Ouzbékistan, pays enclavé mais stratégiquement situé, cela signifie :
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renforcement du rôle de hub logistique régional,
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interconnexion accrue avec le Caucase, la Turquie et l’UE,
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diversification des routes commerciales hors dépendance russo-chinoise.
Les investissements annoncés (transport ferroviaire, hubs secs, digitalisation douanière) créent un effet d’entraînement industriel :
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zones logistiques,
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transformation locale,
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services à haute valeur ajoutée (douane, assurance, finance).
Lecture stratégique : le Middle Corridor n’est plus un projet technique, mais un outil de souveraineté économique pour Tachkent.
1.3 Allemagne : diplomatie commerciale assumée
L’ouverture de la première Trade House ouzbèke à Berlin illustre une nouvelle phase : celle de la présence économique permanente.
Contrairement aux missions ponctuelles, ce format permet :
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une exposition continue des produits ouzbeks,
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un dialogue direct avec le Mittelstand allemand,
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un accompagnement à l’export structuré.
C’est aussi un signal politique : l’Ouzbékistan ne se présente plus comme simple récipiendaire d’aide, mais comme acteur commercial crédible sur le marché européen.
1.4 France : logement, énergie et finance verte
L’accord avec l’AFD (30 M€ + assistance technique) sur l’efficacité énergétique dans l’habitat touche un point sensible :
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croissance démographique rapide,
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pression sur les réseaux énergétiques,
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hausse des coûts sociaux.
En ciblant le logement, Paris accompagne une transition silencieuse mais structurante, mêlant climat, pouvoir d’achat et stabilité sociale.
Lecture stratégique : la France se positionne comme partenaire de la transition urbaine et sociale, là où la Chine investit surtout l’infrastructure lourde.
2. Intégration régionale : l’Ouzbékistan comme stabilisateur
2.1 Afghanistan : pragmatisme économique
La réouverture du passage Termiz–Hayraton pour les citoyens marque un retour au réalisme régional. Sans reconnaissance politique formelle, Tachkent privilégie :
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la continuité des flux commerciaux,
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la sécurité des frontières,
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la stabilisation économique locale.
Pour l’Ouzbékistan, l’Afghanistan n’est pas un risque abstrait, mais un voisin économique incontournable.
2.2 Eau : une diplomatie de survie
L’accord régional sur la gestion de l’Amou-Daria et du Syr-Daria pour 2026 illustre la centralité absolue de la question hydrique.
En Asie centrale :
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l’eau conditionne l’agriculture,
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l’énergie,
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et la stabilité sociale.
Le rôle actif de l’Ouzbékistan dans ces négociations renforce son image de puissance responsable, capable de compromis régionaux.
3. Russie, Chine et Eurasie : diversification maîtrisée
3.1 Investissements intrarégionaux : leadership confirmé
Le fait que l’Ouzbékistan soit désormais le premier bénéficiaire des investissements mutuels eurasiatiques (plus de 10,7 Md$) traduit :
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une attractivité réglementaire accrue,
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une amélioration du climat des affaires,
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une industrialisation progressive.
Ce n’est plus seulement un marché, mais une plateforme régionale d’investissement.
3.2 Chine : énergie, technologie et espace
Les partenariats avec la Chine couvrent désormais :
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le solaire et les réseaux,
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l’IA appliquée à l’agriculture,
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la télédétection spatiale.
Le futur satellite Samarqand-2028 illustre cette montée en gamme : l’Ouzbékistan ne se contente plus d’importer des technologies, il co-produit des capacités stratégiques.
Lecture stratégique : Tachkent cherche à éviter la dépendance exclusive en multipliant les partenariats technologiques.
4. Conclusion – Une stratégie d’équilibre assumée
L’Ouzbékistan de décembre 2025 n’est plus un simple pays “en transition”.
Il devient :
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un acteur géoéconomique central en Asie centrale,
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un pont logistique eurasiatique,
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un partenaire recherché par l’UE, la Chine et les institutions régionales.
La clé de sa trajectoire future reposera sur un équilibre délicat :
ouverture sans dépendance,
croissance sans déséquilibres sociaux,
intégration régionale sans perte de souveraineté.
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