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« Gazap » : Six siècles après Constantinople, la Turquie relance la peur par le feu

« Gazap » : Six siècles après Constantinople, la Turquie relance la peur par le feu

« Gazap » : Six siècles après Constantinople, la Turquie relance la peur par le feu

Par Kadir Duran – Bruxelles / Istanbul

Une nouvelle démonstration de puissance

Plus de 600 ans après le tonnerre des canons ottomans qui fit trembler les murailles de Constantinople, la Turquie revient sur le devant de la scène militaire mondiale avec une arme conventionnelle d’une puissance inédite. Son nom ? « Gazap », littéralement « colère » en turc. Une appellation lourde de sens pour une bombe thermobarique qui incarne les ambitions d’Ankara de s’imposer comme un acteur incontournable dans l’industrie mondiale de l’armement.

Dévoilée à la fin du mois de juillet lors du 17e Salon international de l’industrie de défense (IDEF 2025) à Istanbul, cette bombe d’un nouveau genre a immédiatement attiré l’attention des experts militaires.

Une arme surpuissante non nucléaire

Pesant plus de 900 kilos, Gazap atteint une température d’explosion de 3.000 degrés Celsius, capable de faire fondre acier, béton et os humains. À cela s’ajoutent 10.000 éclats de métal projetés dans un rayon de 1 km², ce qui, selon Nilufer Kuzulu, responsable du projet, rend la bombe trois fois plus puissante que les modèles standards de la série MK.

Conçue par le Centre de recherche et développement de la défense turque, cette arme thermobarique fonctionne à base d’oxygène ambiant, ce qui augmente son pouvoir destructeur dans des espaces confinés. Elle figure désormais parmi les armes conventionnelles les plus meurtrières jamais produites.

Déjà opérationnelle, selon Anadolu et TRT Global, des tests sont en cours pour rendre la bombe compatible avec les drones Bayraktar, fers de lance de la stratégie militaire turque en Ukraine et ailleurs.

Un clin d’œil historique assumé : retour à la puissance ottomane

L’écho de Gazap renvoie à un autre moment fondateur : le siège de Constantinople en 1453. À l’époque, le jeune sultan Mehmed II révolutionne l’art de la guerre en utilisant des canons géants pour faire tomber la capitale byzantine.

Le plus célèbre de ces canons, le « Şahi » ou Basilic, conçu par un fondeur hongrois nommé Urban, mesurait plus de 8 mètres, et pouvait tirer des boulets de plus de 500 kilos. Il nécessitait 400 hommes et 60 bœufs pour être déplacé.

Le fracas de l’artillerie ottomane était tel qu’il était entendu à plus de 20 kilomètres, terrorisant les assiégés autant que les soldats eux-mêmes.

Les canons ottomans n’étaient pas de simples outils de destruction : en bronze ou en fer, ils étaient souvent ornés de calligraphies islamiques, de versets coraniques et de symboles impériaux, mêlant technologie et idéologie.

De l’acheteur à l’exportateur : la mue stratégique de la Turquie

Longtemps dépendante des États-Unis et de l’OTAN pour ses équipements militaires, la Turquie change de cap. Elle mise désormais sur une autonomie stratégique, à l’image de son programme de fabrication de drones, chars, avions de chasse, et désormais, bombes de dernière génération.

Avec Gazap, la Turquie ne se contente plus de répondre aux standards internationaux : elle les redéfinit.

Conclusion : une puissance qui s’affirme par le feu et la technologie

Alors que les conflits contemporains de l’Ukraine au Moyen-Orient redéfinissent les règles de l’affrontement militaire, Ankara affiche clairement ses ambitions : redevenir une puissance militaire technologique de premier plan.

De Constantinople à Istanbul, de Mehmed II à Recep Tayyip Erdoğan, la continuité symbolique est assumée. Le bruit des canons résonne à nouveau, mais cette fois, c’est une colère thermobarique, aux accents modernes, qui fait trembler les équilibres géopolitiques.

Article écrit par Kadir Duran, spécialiste des questions géopolitiques

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