De l'agent immobilier à la propriétaire, en passant par les voisins, tous ont côtoyés le couple liégeois qui a perdu la vie dans les attaques de Paris. Aujourd'hui, pour la DH, ils témoignent. 

"Milko respirait la joie de vivre"

"Moi qui pensais que ces attentats ne m’avaient pas touchée, je me suis bien trompée", lâche Béatrice, la cinquantaine, qui vient tout juste d’apprendre le décès de ses deux locataires.

Même si elle n’a que rencontré le couple à quelques reprises, elle a été marquée par la singularité de Milko. "Il avait toujours un langage si fleuri, qui respirait la joie de vivre, avec une sorte de politesse un peu désuète…", raconte la dame.

Elle se souvient tout particulièrement d’un épisode qui l’avait alors rapprochée quelque peu du Liégeois. "Il était venu de Belgique avec toutes ses affaires. Il avait mis toutes ses caisses à l’entrée de l’appartement et s’était rendu compte que son ami, qui avait fait le trajet avec lui, était reparti avec son trousseau de clefs. Il m’a donc envoyé un message, me demandant de lui venir en aide pour lui ouvrir la porte", explique Béatrice, en faisant défiler fiévreusement les messages envoyés par Milko à cette occasion. "L’histoire s’était finalement bien terminée et il avait réussi à rentrer chez lui."

Lors de leur rencontre, à la signature du bail, un aspect avait aussi attiré l’attention de Béatrice. "Ils avaient l’air tellement heureux ensemble. La jeune fille semblait vraiment très serviable, gentille, polie et pleine d’humour. Lui, avait un visage un peu plus marqué mais respirait la joie de vivre. J’ai vraiment eu l’impression qu’ensemble, ils voulaient vivre, ils voulaient profiter de la vie. Ils comptaient d’ailleurs rester quelque temps à Paris. Ils m’ont même demandé s’ils pouvaient faire quelques petits travaux dans l’appartement."

Le couple de Liégeois était aussi connu dans son entourage pour aimer les sorties. C’est d’ailleurs pourquoi ils ont décidé de prendre cet appartement, situé à deux pas du canal Saint-Martin et de la Place de la République, un quartier particulièrement festif. "Ils avaient avant visité d’autres appartements dans le quartier du Marais mais ils ont préféré s’installer là. Ils ont été conquis par l’ambiance du lieu."

La propriétaire lance un appel aux parents du couple. "S’ils veulent venir, je serais heureuse de les accueillir afin qu’ils viennent récupérer les effets personnels de leurs enfants…", précise cette mère de deux grandes filles, la voix tremblante.

"Ils étaient venus apporter des chocolats"

Les voisins d’Elif et de Milko ont tout de suite apprécié le couple de Belges.

Ils n’étaient pas tous au courant. Les habitants de l’immeuble situé au 17 Boulevard Voltaire, à seulement quelques pas du café La Bonne Bière, attaqué vendredi à 21h32, viennent de perdre leurs voisins du premier étage. Milko et Elif, deux des trois victimes belges fauchées dans les attentats de vendredi dernier, venaient à peine d’emménager.

Ils n’étaient à Paris que depuis trois mois mais déjà, ils avaient marqué les esprits de ceux qui ont partagé leur palier.

Gilberte Colomby , la mamie de l’immeuble, habite au sixième étage. Malgré son grand âge, elle arrive toujours à grimper les escaliers de l’immeuble haussmannien. Et même si elle n’a que rencontré furtivement le couple de Liégeois, elle en garde un très bon souvenir. "Dès leur arrivée, ils se sont mis en tête de rencontrer leurs voisins. La jeune fille est même venue sonner à tous les étages pour donner des ballotins de pralines à tout le monde. C’était vraiment très gentil de leur part", se souvient la vieille dame.

Autre trait de caractère du couple, leur côté serviable. "Une de mes amies est venue pour me rendre visite. Et comme elle est âgée et avait du mal à monter les marches, la jeune femme l’a aidée", précise Gilberte.

Olivier, la trentaine, lui, habite au septième étage. Il est ébahi d’apprendre la nouvelle de la mort de ses voisins. "Oh non, ce n’est pas vrai !", s’exclame-t-il. "C’était vraiment les gens les plus sympas du monde. Ils sont directement venus nous voir après leur emménagement, c’était hallucinant. Nous, les Parisiens, on n’a pas l’habitude de voir autant de gentillesse. ‘Bonjour, je suis votre nouveau voisin’, m’avait lancé la jeune femme, toute guillerette. On s’était promis d’aller boire un verre ensemble…"

Il ajoute : "On a l’habitude de dire que c’est toujours les meilleurs qui s’en vont en premier, et là, je peux vous l’affirmer, ils avaient vraiment l’air de gens géniaux. J’aurais aimé avoir le temps de mieux les connaître", déplore Olivier, encore sonné par la nouvelle.

Par leur gentillesse et leur chaleur toute liégeoise, Milko et Elif semblaient bien avoir conquis, en à peine quelques regards et quelques mots, le cœur de leurs nouveaux voisins.

Voisins qui sont aujourd’hui orphelins de potentiels d’amis que la vie ne leur a pas donné l’occasion de mieux connaître.

"Ils avaient l’air très heureux ensemble"

À Paris, Fabrice Gherra, agent immobilier, est sûrement celui qui a le plus côtoyé le couple.

Fabrice Gherra travaille dans une petite agence immobilière dans le cœur de Paris. C’est lui qui a loué l’appartement du 17 Boulevard Jules Ferry au couple. " Ils m’ont contacté plusieurs fois dans le courant du mois d’août. Ils étaient intéressés par plusieurs appartements et j’ai fait bon nombre de visites avec eux" , se souvient-il.

Dans leur choix d’appartement, Milko et Elif s’étaient accordés sur un point bien précis. "Le plus important pour eux, c’était la localisation. Ils voulaient habiter dans un quartier vivant. Je leur ai donc montré plusieurs de nos biens et ils ont directement été séduits par celui dans lequel ils ont finalement emménagé. Il s’agissait d’un petit 70 m2 au avec un loyer de 1.800 euros par mois, ce qui correspond exactement aux prix du marché parisien. Le lieu était tout simple, composé d’un double séjour et d’une chambre. Ils se sont installés le 1er septembre de cette année", explique l’agent immobilier.

Preuve qu’ils comptaient bien passer une partie de leur vie ensemble dans la Capitale française, les deux Liégeois avaient signé un bail de trois ans. "Ils avaient l’air très heureux ensemble, un couple vraiment soudé. Vu qu’ils étaient en pleine transition et que le travail de Monsieur l’obligeait à beaucoup voyager en Chine, ils ont fait des allers-retours pendant quelque temps entre Paris et la Belgique."

L’agent immobilier se sent d’ailleurs un peu désemparé par cette situation tragique. Il avoue ne pas savoir comment procéder pour la suite, selon ses dires, et heureusement, c’est la première fois qu’un tel cas se présente dans son agence.